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avais décidé de m'installer ici. StoryBrooke était un endroit plaisant, je n'y avais, pour l'instant, rencontré que des gens aimables et je m'y sentais à mon aise, comme....bienvenu, ou comme chez moi, un sentiment qui m'était jusqu'ici apparu trop rarement. Je m'étais trouvé un boulot à l’hôpital, un psychologue trouve toujours du travail, les gens malheureux existent partout et ils ont toujours besoin d'un peu d'aide, d'un ami pour leur tenir la main sans les juger tandis qu'ils traversent des épreuves qui, d'un point de vue extérieur, paraissent moins dures qu'ils ne les ressentent. Car un ami ne vous soutient que tant qu'il peut compatir à votre douleur et donc la concevoir, la comprendre, si pour lui ce n'est pas grand chose il ne saura pas être là pour vous, même avec toute la meilleure volonté du monde. Un psychologue est là pour vous même dans les petits soucis, même quand vous semblez n'avoir aucune raison d'être malheureux, il ne jugera pas l'étendue de vos problèmes réels mais combien ils vous affectent et vous aidera non pas à régler le problème mais bien à réussir à surmonter les difficultés pour que vous soyez, seul, capable de résoudre le problème initial. Un psychologue ne remplace pas un ami cela dit, ce n'est pas son rôle, mais il complète leur présence, si les amis vous soutiennent un psychologue vous aidera à vous remuer, à sortir de ce cocon facile que peut être l'apitoiement, si au contraire vos amis vous laissent tomber car ils estiment que vos problèmes n'en sont pas, ignorant par-là même que ce qui fait le problème n'est pas la situation mais le point de vue que l'on a, le psychologue vous aidera à rependre confiance en vous et à changer de point de vue. Un psychologue ne changera pas la situation, pas plus qu'il ne vous change vous, il vous permet juste de prendre du recul, de changer de point de vue, de mieux percevoir l'ensemble, tant la situation que vous même.

Bref je dérive, le sujet était mon installation, j'ai loué un petit appartement en plein centre-bourg, ce n'est pas mon genre, je sais , il y avait bien des cabanes délabrées dans la forêt, loin de tout, mais j'avais, curieusement, envie de faire partie de cette ville, de m'y intégrer. Cela me ressemble si peux pourtant. J'ai toujours été un solitaire....Enfin non, pas toujours, mais depuis que je suis dans ce monde, en tout cas, j'ai été solitaire. Même mon père, celui qui m'a adopté, l'autre ne mérite guère ce nom, même mon père avait parfois du mal à entrer en contact avec moi tant j'étais perdu dans mon univers de pensées et de rêveries. Un psychologue dirait, sans doute, que je me protégeais des déceptions après ce que j'ai vécu comme une trahison de la part de Rumplestiltskin, c'est sans doute vrai, si vous ne laissez personne vous approcher personne ne peut vous blesser. Mais je crois surtout que je déteste mentir et que lorsqu'on se rapproche des gens on en vient, forcément, à parler de notre enfance, de notre vie passée et....La mienne ne peut être contée. Je ne peux dire à personne que je viens d'un monde où les sirènes existent où les géants cultivent des haricots magiques et où mon père pour camoufler sa lâcheté est devenu un être sombre et puissant, à demi-fou si vous voulez mon avis, enivré par un pouvoir qui est devenu plus important pour lui que son propre fils. Comment leur dire que grâce à un haricot j'ai pu changer de monde et arriver ici mais que mon père ne m'a pas suivi parce qu'il avait peur d'abandonner sa précieuse magie, sa nouvelle béquille, son nouvel amour ? Au mieux ils me conseilleraient de devenir écrivain, au pire ils me feraient enfermer avec les fous. Voilà pourquoi je reste généralement loin des gens, mais ici je me sens à l'aise, je ne me sens pas en danger, je ne comprends pas d'où vient ce sentiment, je ne me l'explique pas, je ne suis pas sur de vraiment vouloir le comprendre, et si expliquer la magie revenait à la faire disparaitre ? Comme quand un ami vous explique comment fonctionne un tour de magie ? Je ne veux pas faire disparaitre cette magie là.

Le petit appartement que j'ai choisi est agréablement situé au dernier étage, j'ai un balcon immense et accès au toit d'où je domine StoryBrooke, la forêt et la mer qui l'entourent, il était loué meublé mais de façon très sommaire. Une cuisine équipée, une table pour 2 personnes grand maximum et encore, si on ne met pas de plats dessus, un salon avec deux fauteuils et une petite table et une chambre contenant un lit deux place et une minuscule armoire. Une chance que je n'ai pas de petite amie, une fille refuserait de garder ses habits dans un si petit espace. Les meubles sont petits, bon marchés et sans grand intérêt mais l'appartement lui-même est assez grand et bien agencé,  il manque d'une touche personnelle. J'ai donc passé quelques heures ce matin à commander des meubles en ligne, une grande armoire contemporaine aux portes vitrées qui habillera la chambre et la rendra moins oppressante, un meuble télé et la télé qui va avec pour le salon ainsi qu'un grand canapé confortable, une table plus grande pour occuper l'espace dans la cuisine et un bar et ses tabourets pour séparer l'endroit où l'on cuisine de l'endroit où l'on mange.

Je n'avais encore jamais personnalisé un appartement, pris possession des lieux comme je le fais. C'est grisant, tellement qu'en fermant l'ordinateur j'ai décidé d'aller en ville acheter de la  peinture pour refaire la déco avant de mettre mes meubles qui arriveront dans une semaine ou deux. J'ai pris le temps de flâner dans les rayons, me demandant quelle couleur irait le mieux avec telle ou telle pièce. J'ai trouvé mon bonheur, du bleu pour la chambre, un bleu profond et assez sombre pour réduire la taille apparente de cette pièce immense, au contraire pour le salon une couleur orangée claire qui agrandira l'espace. Pour la cuisine j'ai finalement opté pour un jaune vif, comme elle prend le soleil cela la rendra plus lumineuse encore. J'ai choisi des peintures à effet, elles donneront une certaine épaisseurs aux murs. J'en ai profité, tant que j'étais là, pour acheter des rideaux, des tapis, des parures de lit, toutes ces choses qui jusqu'ici m'apparaissaient futiles et que, pourtant, je conseillais à mes patients parfois. Choisir sa décoration, changer son environnement, c'est déjà reprendre la main sur sa vie, c'est un petit pas en avant, une des premières étapes d'une thérapie, prendre le temps de rendre son chez-soi confortable et révélateur de qui l'on est, ou de qui l'on veut être. Je ne sais pas ce que ma future déco dira de moi, mais je sais que je prends plaisir à tout réunir, je pense à tout cela depuis des semaines déjà, j'ai pris mon temps, savouré l'instant, savouré l'attente, la recherche, j'ai pris le temps de m'imprégner de l'appartement pour mieux imaginer les changements, la transformation qui s'opérera. Je me rends mieux compte de ce que je conseillais à mes patients et de l'importance que cela peut avoir et c'est le sourire aux lèvres malgré le temps maussade que je sors du magasin, remplissant le coffre de ma voiture de mille et un trésors, je me sens comme Ali-Baba découvrant un trésor coloré de merveilles.

En rentrant je suis passé devant cette boutique d'antiquité, en vitrine ils avaient un globe ancien magnifique et après avoir fini de sortir les pots de la voiture je me suis dit que j'allais aller y faire un tour. Me voilà donc, à pieds, flânant dans les rues de cette vielle accueillante, malgré le ciel orageux et la pluie fine qui semble avoir chassé tous les passants. Un temps anglais, un peu de brouillard une pluie légère, transperçant vos os, je respire l'air humide avec un sourire, je me sens bien pourtant, malgré ce temps, c'est agréable de s'installer, de prévoir un avenir qui ne soit pas dans le mouvement, dans la fuite en avant, c'est agréable de profiter d'un moment sans savoir quand il se terminera, sans penser qu'il se terminera, cela ne m'était plus arrivé depuis fort longtemps. La porte de la boutique d'antiquité  déclenche un léger tintement alors que je passe le seuil, tintement  qui avertit sans doute le propriétaire de ma présence. J'observe la boutique, amas hétéroclite d'objets divers en attendant qu'il sorte de l'arrière boutique. Une pipe posée en évidence me rappelle mon père adoptif, une sacoche en cuir me rappelle mes études, les vieux objets ont ce don de vous ramener dans un passé que vous pensiez oublié.

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'avais espéré, c'était idiot, qu'il me reconnaitrait du premier coup d'oeil. J'avais été déçu déjà 3 mois auparavant mais j'avais grandi et changé et cela pouvait se comprendre, mais qu'il ne me croit pas alors que je dévoilais mon identité, cela me blessait plus que je ne l'aurais imaginé, son incrédulité fut comme un coup de poignard et je grimaçais en l'entendant dans sa voix.

Il me parla d'un "lui" à qui adresser une réponse, je haussais des sourcils intrigués sans trouver quoi répondre, pour l'instant du moins, il semblait évident que cela ne durerait pas, j'étais Aidan désormais et non plus le frêle Bae qui n'avait pas su surpasser la magie et le pouvoir dans le coeur de son père.

Car oui, aussi idiot que cela soit vu qu'il s'en était sans doute voulu de son coté, je m'étais senti coupable d'avoir été abandonné. Réaction totalement idiote me direz-vous, et vous n'aurez pas tort, mais si l'humain avait des réactions intelligentes je pense que depuis le temps on le saurait, on voit des femmes battues revenir vers leur époux abusif car elle se sentent responsables de leurs malheurs, pas le plus malin sans doute mais cela relevait d'un instinct qu'on ne pouvait réellement faire disparaitre. On pouvait se raisonner, argumenter, la culpabilité ne se pliait pas à la raison, elle restait là, latente, lancinante, meurtrière.

"Faut-il que tu m'aimes peu pour ne même pas me reconnaitre"

Des mots que je n'aurais pas imaginé prononcé mais qui franchirent mes lèvres avant même que je m'en rende compte. Je me trouvais bien courageux à exposer ainsi mes sentiments. La douleur dans mon regard n'était pas feinte et je n'avais pas réussi à la cacher, certes, mais de là à l'exprimer en mots c'était une attitude qui ne me ressemblait pas. J'aurais sans doute vu un signe en cela si je n'avais été si préoccupé par tout autre chose, par cet homme devant moi qui était mon père sans l'être, qui était l'homme que j'avais connu toute mon enfance et qui était en même temps si différent, cet homme que je reconnaissais sans vraiment le retrouver. Une part de moi aurait voulu se jeter dans ses bras, la part de moi qui avait encore un cerveau me fit remarquer, fort justement, qu'il ne semblait que peu amical, qu'il ne m'avait pas reconnu et que devenir un cafard serait sans doute une expérience très désagréable, au moins jusqu'à ce qu'il m'écrase du bout du pied et m'oublie.
Bref c'était une très mauvaise idée et si j'étais soudain courageux je n'étais pas pour autant suicidaire, je réprimais donc mon instinct premier pour attendre, regardant cet antiquaire dans les yeux, qu'il daigne reconnaitre en moi le fils qu'il avait abandonné.

"Ai-je tant changé Papa ? J'ai presque 30 ans de plus, mais tout de même, j'aimerais croire que j'ai toujours mon regard d'enfant"

Il sera bien temps de lui faire des reproches et de m'excuser quand il saura qui je suis, il semble commencer à le croire, à le comprendre, mais il doute encore. Cela ressemble davantage au Ténébreux qu'à mon père, mon père était un homme bon et un peu naïf, le Ténébreux est un homme qui croit que tous lui ressemblent, donc, forcément, il est un peu paranoïaque. Enfrin un peu....Doux euphémisme.

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M

on poing se serre en le voyant pleurer. C'est affreux, non ? Mon cœur devrait se serrer, je devrais me précipiter vers lui, le prendre dans mes bras, lui dire que tout est pardonné, que j'ai eu une belle vie, que j'ai été aimé, que j'ai été heureux.....Mais je n'y arrive pas, au lieu de cela mon poing se serre sans que je puisse m'en empêcher. Suis-je devenu comme lui ? Froid, insensible, incapable d'aimer, de comprendre, de pardonner ? Suis-je devenu un monstre ?

L'image de mon père adoptif m'apparait, il aurait dit, de sa voix douce et apaisante, qu'il n'est pas monstrueux de ne pas réussir à pardonner, mais qu'il serait triste de ne pas vouloir essayer. L'image de mon père adoptif me calme quelque peu, mon poing se décrispe et j'avance d'un pas en direction de mon vrai père. Je peux voir la douleur dans son regard, je sais qu'elle n'est pas feinte. Le Ténébreux avait de nombreux défauts et la fourberie en fait partie, mais jamais il n'a montré de talents d'acteurs. Je voudrais l'étreindre, le rassurer, mais ce serait mentir que de dire que tout va bien. Tout ne va pas bien, loin de là, entre nous.

Je pose ma main sur son épaule en un geste apaisant et tendre sans pour autant m'engager totalement. J'entends ses paroles, reconnaitre ses torts, reconnaitre sa lâcheté, cela n'a pas du être facile pour lui, je le connais assez pour savoir cela. Je souris, parce que malgré 30 ans de séparation ou presque, je le connais si bien, il n'a pas changé d'un iota. Mais mon sourire s'estompe et disparait quand je réalise que lui, par contre, ne me connait pas, que je n'ai plus rien à voir avec Baelfire, que je ne suis plus l'enfant qu'il a aimé.

Je lui en veux mais je comprends que c'est idiot, car ce n'est pas moi qui ai été lésé. Certes j'ai grandi avec cet abandon, mais j'ai grandi avec mon père adoptif, avec son amour, son enseignement, sa joie de vivre et sa philosophie. J'ai grandi en découvrant un monde dont je n'aurais pas osé rêver. J'ai grandi et je me suis épanoui. Lui a du vivre en sachant qu'il m'avait abandonné, en m'imaginant mort, blessé ou pire encore, en imaginant ma haine contre lui nourrie par les années d'exil. Je ne suis pas celui qui a souffert et mon pardon ne saurait mettre un terme à la punition qu'il s'impose depuis son erreur. Je m'étais senti coupable, coupable de n'avoir pas su à ses yeux surpasser le pouvoir, coupable de lui en vouloir encore de mon échec, coupable d'avoir insisté pour l'entrainer dans un monde sans magie en sachant que ce serait pour lui un déchirement. Mais je me rends compte que sa culpabilité est mille fois plus importante, plus paralysante que la mienne.

"Papa..."

Je voudrais lui pardonner, je voudrais pouvoir avancer, mais le spectre des années perdues nous tourne autour et rien de tout cela n'est possible, pas encore. Ami ou fils aucun de ces noms ne lui est accordé pour l'instant, parce que je suis pour lui un étranger. C'est à cet instant que la peur me frappe. Et s'il ne m'aimait pas ? Et s'il n'aimait pas celui que je suis devenu, s'il n'aimait pas Aidan ? Je secoue la tête pour chasser ces pensées idiotes. A trop s'inquiéter du futur on en oublie qu'il n'est pas encore là disait mon père adoptif. Il faut profiter du présent et le vivre pleinement. Et mon présent est cet instant de grâce entre lui et moi, ces retrouvailles maladroites, ces larmes qui roulent sur mes joues et dont je n'avais pas pris conscience, ma main sur son épaule, je suis aussi grand que lui désormais, son regard dans le mien, cherchant des réponses que je n'ai pas. Mon présent n'est pas parfait mais j'ai connu pire, je devrais apprécier cette chance que j'ai d'avoir retrouvé mon père malgré tous les obstacles. Je devrais apprécier ces retrouvailles pour ce qu'elles sont, une nouvelle chance, un nouveau départ pour notre relation.

"Allons nous assoir papa, nous avons tant à nous dire."

J'ai tant de questions à commencer par la plus évidente :que fait-il ici ? Il n'est pas seul, je suis presque sur de reconnaitre dans certains habitants quelques villageois de mon enfance. Mais ils ne semblent pas avoir vieilli. Je devine là l'effet de la magie mais j'ignore laquelle. Comment est-il arrivé ? Quel est ce sortilège ? Que désire-t-il ? Me revoir ? Me ramener à la maison ? Qu'a-t-il fait après mon départ ? Qu'est devenu notre monde ? Tant de questions. Mais lui doit en avoir plus encore, en 28 ans je suis passé d'un jeune garçon à un homme, tant de choses ont changé pour moi, en moi. Je me rappelle lui avoir parlé de mon père lors de notre première rencontre, s'en souvient-il ? Je l'ai dit à l'époque comme un défi, mais il ne pouvait le comprendre ainsi, ne m'ayant pas reconnu. Je me souviens de ma peur quand je l'avais aperçu, de mon soulagement quand il ne m'avait pas reconnu, de mon soulagement et de ma peine. Cela avait rouvert une plaie béante bien cachée au fond de mon âme. Imaginez-vous pire torture que d'être devenu méconnaissable aux yeux de votre géniteur ?
Oui, nous avons tant à nous dire lui et moi, et je ne sais par où commencer.

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image de "deseriedouleur" sur deviantart